Les Costumes de Nosferatu : Une rencontre entre histoire et fantastique
On le voit partout : Nosferatu sur les réseaux sociaux, la magnifique frimousse de Lily-Rose Depp, l’affreuse main de notre incontournable vampire interprété par Bill Skarsgård, et cette ambiance glauque et poétique de cet univers. Alors, pourquoi ne pas parler des costumes de ce film qui hypnotise tout le monde en ce moment ?
Je l’avoue, je ne l’ai pas encore vu, mais j’ai lu tout ce que je pouvais sur les costumes. Alors, en attendant de trouver le temps de m’installer devant un grand écran, plongeons dans l’histoire du costume et le merveilleux travail de Linda Muir.
Alors, allons-y. Ce film est le dernier chef-d’œuvre cinématographique de Robert Eggers. Accompagné par Linda Muir pour la partie stylistique, on remarque que l’attention s’est portée sur tous les détails : cinématographiques, photographiques, mais également sur les costumes, qui dépassent la simple reconstitution historique. Ces costumes deviennent un outil narratif puissant, ancré dans la réalité du XIXᵉ siècle tout en sublimant le fantastique. À eux seuls, ils racontent, révèlent et ajoutent des couches de mystère et de terreur à cette histoire gothique.
Une mode d’époque en résonance avec Nosferatu
L’action de Nosferatu se déroule dans un village fictif allemand de 1838, à la fin de l’ère régence et au début de l’ère victorienne. Cette décennie charnière, où les lignes simples et élégantes des vêtements régence cèdent progressivement la place à des formes plus complexes et structurées. Et cela a du être un défi unique et challengent pour Madame Muir. Inspirée par des journaux de mode allemands d’époque, elle a travaillé avec acharnement pour recréer non seulement des tenues crédibles, mais également des vêtements qui incarnent l’essence du film. On retrouve donc une certaine fragilité, vulnérabilité, et un sentiment d’étrangeté intemporelle.
Les vêtements de deuil : une fenêtre sur l’âme d’Ellen Hutter
Un des éléments les plus marquants du film et des images qui sont sorties de Lily-Rose Depp est le bonnet de deuil porté dans le rôle d’Ellen Hutter. Ce bonnet, associé à une robe noire et un jupon délicatement brodé, est une réinterprétation d’une pièce emblématique du XIXᵉ siècle. Confectionné à partir d’un tissu appelé « crêpe de deuil », il illustre une anecdote fascinante : ce matériau, produit par un processus de plissage complexe à base de rouleaux en porcelaine, était réputé inconfortable et parfois même toxique.
« Le crêpe de deuil était raide, parfois enduit de substances comme du sirop de mélasse, ce qui le rendait rigide et difficile à porter, » explique Muir. « Pour Nosferatu, nous avons travaillé avec des artisans pour reproduire cette texture unique tout en l’adaptant aux contraintes modernes, comme l’éclairage et le confort des acteurs. »
Le bonnet, avec sa transparence calculée, devient un élément clé de la mise en scène. Il incarne la transition d’Ellen, jeune femme vulnérable dans ses chemises de nuit immaculées, à une figure plus mature et résolue, portant le poids de ses choix et de son destin.
Focus sur les vêtements de deuil
Les vêtements de deuil à l’ère victorienne (même avant) étaient un aspect essentiel de la culture et des pratiques sociales, particulièrement influencés par les stricts codes de conduite de l’époque. Ces vêtements étaient notamment portés pour exprimer publiquement le chagrin et la perte après le décès d’un proche. Le plus intéressant dans ces pratiques un peut glauque ou étrange est le processus ou dirais-je le rituel. On retrouve deux phase majeures, la première le deuil profond ou grand deuil. Cette phase pouvait durer un an ou plus pour des proches directs comme un conjoint ou un parent. Les vêtements étaient intégralement noirs, avec des tissus mats comme le crêpe de soie, qui symbolisaient la sobriété et la tristesse. Puis viens le demi-deuil, après le deuil profond, les femmes pouvaient introduire des nuances comme le gris, le mauve, ou le lavande. Les ornements restaient sobres et limités.
Le deuil victorien reflétait la hiérarchie sociale et les conventions. Les femmes, en particulier, étaient soumises à des règles vestimentaires strictes, qui dictaient même la durée et l’intensité de leur deuil en fonction du lien avec le défunt. Ces pratiques ont été popularisées par la reine Victoria elle-même, qui a porté le deuil pour le prince Albert pendant plus de 40 ans. Ils étaient une façon d’exprimer visuellement le respect pour les morts, tout en respectant les normes sociales et religieuses de l’époque. Ces costumes, lorsqu’ils sont bien intégrés dans une œuvre cinématographique, comme dans Nosferatu, ajoutent une profondeur et une authenticité poignantes.
Focus sur les détails et accessoires
Les accessoires sont également intéressants. Par exemple, les femmes portaient souvent des voiles longs, parfois opaques, pour cacher leur visage en public. Ces voiles étaient également fabriqués en crêpe et s'appelaient simplement des voiles de deuil. Les bijoux avaient également une place importante. Ils incluaient souvent des matériaux symboliques comme le jais, des mèches de cheveux du défunt (intégrées dans des bagues ou des médaillons) ou des motifs liés à la mort, comme des croix ou des larmes. On retrouve, bien évidemment, les emblématiques gants et mouchoirs, qui étaient noirs et souvent ornés de dentelle, elle aussi noire.
Pour les hommes, le deuil était plus simple. Ils portaient des costumes noirs ou foncés, parfois accompagnés de brassards noirs, de chapeaux noirs ou d’un crêpe attaché autour du haut-de-forme.
La fragilité et le mystère des chemises de nuit
Les chemises de nuit d’Ellen, elles aussi, témoignent de la minutie de Linda Muir. « Nous avons testé plusieurs tissus pour trouver celui qui révélerait juste assez sans trop exposer, tout en donnant cette impression éthérée, presque spectrale, » confie-t-elle. Ces chemises, d’un blanc éclatant et légèrement transparent, captent la lumière lunaire et amplifient la symbolique du personnage : une âme pure, piégée dans un monde de ténèbres.
Ce souci du détail se retrouve également dans le costume du comte Orlok, interprété par Bill Skarsgård. Inspiré des nobles transylvaniens du XVIᵉ siècle, le costume mêle fourrures somptueuses et étoffes dorées pour créer un contraste saisissant entre l’horreur du personnage et son charisme étrange. À l’opposé, les villageois, leurs manteaux brodés et leurs coiffes complexes, témoignent de recherches approfondies sur les traditions vestimentaires d’Europe de l’Est, malgré les frontières mouvantes et les archives limitées.
Un hommage à l’histoire vivante
Avec Nosferatu, les costumes deviennent des portails vers une époque révolue, où chaque bouton, chaque pli, et chaque couture raconte une histoire. À travers le regard de Linda Muir, ces vêtements ne sont pas seulement des accessoires. Ils sont des acteurs à part entière, porteurs d’un passé qui dialogue avec le présent et amplifie la puissance narrative d’un film déjà inoubliable.